Jonathan Swift

Jonathan Swift
Détail d’un portrait de Jonathan Swift par Charles Jervas, vers 1718 © National Portrait Gallery, Londres

Jonathan Swift naît à Dublin en novembre 1667. Son père est mort sept mois plus tôt. Sa mère le laisse en nourrice et quitte l’Irlande pour son village natal, en Angleterre. L’enfant sera élevé par ses oncles paternels. À quatorze ans, il entre au Trinity College de Dublin, d’où il sort bachelier sept ans plus tard.

Il gagne à son tour l’Angleterre et devient le secrétaire de sir William Temple, homme politique et diplomate qui exercera sur lui une profonde influence. C’est là qu’il rencontre Esther Johnson, surnommée « Stella », dont il sera le précepteur et pour laquelle il nourrira plus tard une passion secrète.

En 1692, désespérant d’obtenir une meilleure place auprès de Temple, il rentre en Irlande, où il se fait ordonner diacre. On lui confie, en 1694, une petite paroisse inhospitalière près de Belfast. Swift ne mettra pas longtemps à retrouver Temple et ses fonctions de secrétaire… À cette époque, il entame une carrière littéraire orientée vers la satire avec La Bataille des livres, défense parodique des Anciens contre les Modernes, et Le Conte du tonneau, satire acide des querelles religieuses. Ces deux titres ne seront publiés qu’en 1704.

William Temple meurt en janvier 1699 et, avec lui, toute protection et tout espoir d’avancement. Jonathan Swift repart pour l’Irlande où il devient chanoine de la cathédrale Saint-Patrick, à Dublin. Stella, désormais âgée de vingt ans, le rejoint en 1702.

Pourtant, les années 1700 marquent le début d’une longue période londonienne, assortie d’un engagement politique chaotique. Swift, esprit libéral, soutient les Whigs et publie sous pseudonyme des articles satiriques dans leur gazette, The Tatler (Le Babillard). Mais il se brouille avec les Whigs et finit par se ranger dans le camp des Tories, qui lui confient la rédaction en chef de l’Examiner, hebdomadaire concurrent du Tatler. Depuis Londres, il écrit chaque jour à Stella, restée en Irlande ; ces lettres seront plus tard réunies sous le titre Journal à Stella. Peu à peu, pourtant, elles s’espacent : Swift a rencontré Esther Vanhomrigh, qu’il baptise « Vanessa ».

Suit une période d’intense activité politique. Son pamphlet contre la guerre de succession pour le trône d’Espagne, La Conduite des alliés, paru en 1711, compte parmi les plus célèbres des lettres anglaises. C’est un succès : l’opinion publique et la reine Anne sont lasses de la guerre – la paix d’Utrecht est signée deux ans plus tard. Mais les Tories ne récompenseront pas mieux ses services que les Whigs : Swift espère au moins un évêché en Angleterre… on le nomme doyen de Saint-Patrick en Irlande.

La reine Anne disparaît en 1714, et avec elle la dynastie des Stuart – les Whigs accèdent au pouvoir. Swift doit définitivement quitter Londres. Vanessa le suit en Irlande. Ils entretiennent une relation secrète et tumultueuse. La rupture intervient en 1723, lorsque Stella apprend leur liaison. Vanessa meurt peu après, sans doute de tuberculose. Swift, en proie à une profonde mélancolie, part se réfugier plusieurs mois dans le sud de l’Irlande. Là, il poursuit la rédaction des Voyages de Gulliver entamée deux ans plus tôt. « Vexer le monde plutôt que le divertir… Voilà la grande base de misanthropie sur laquelle j’ai élevé tout l’édifice de mes Voyages », écrit-il. À partir de là, il va consacrer son talent de pamphlétaire à défendre le peuple irlandais, notamment avec les Lettres du drapier, qui feront de lui un héros à Dublin.

En 1726, une main anonyme dépose le manuscrit des Voyages de Gulliver chez un éditeur londonien. En une dizaine de jours, le premier tirage est épuisé. C’est l’un des plus grands succès de librairie du siècle. Les Voyages de Gulliver seront traduits en français dès 1727. Mais ce succès est vite assombri par la mort de Stella en janvier 1728. Dès lors, l’œuvre de Swift se fait plus noire et la satire terrible. Dans sa fameuse Modeste proposition, qui paraît en 1729, il recommande, pour conjurer la misère irlandaise, de nourrir les riches avec les nourrissons des pauvres. En 1731, il publie sa propre nécrologie, Vers sur la mort du docteur Swift, et écrit Instructions aux domestiques, qui ne sera publié qu’après sa mort.

Sentant ses capacités décliner, en 1735, il rédige un testament dans lequel il lègue sa fortune à l’édification d’un hospice pour aliénés. Atteint de démence, il meurt en 1745, à l’âge de soixante-dix-huit ans.