Le « manuel du carriériste » abrégé par un grand romancier de littérature jeunesse
Réussir, faire fortune, se hisser au plus haut… Lorsqu’il arrive à Paris, en 1880, Georges Duroy n’a que cette idée en tête.
Mais comment faire ?
La haute société, avec ses soirées mondaines, ses intrigues, ses hommes de pouvoir, ses femmes élégantes et influentes, rien de cela n’est à la portée d’un petit employé de bureau tel que lui.
Il erre sur les boulevards, les poches vides et la rage au cœur. Lui qui « crève de faim » tordrait volontiers le cou de tous ces bourgeois repus et tranquilles qui se pavanent aux terrasses des cafés et dont la vie semble si facile… Jusqu’au jour où ses pas croisent ceux de Forestier, un ancien camarade de régiment marié, journaliste et jouissant d’une « belle situation ».
« Vois-tu, mon petit, assure Forestier, tout dépend de l’aplomb, ici. Il faut s’imposer et non pas demander. » Quant aux femmes, ajoute-t-il, « c’est encore par elles qu’on arrive le plus vite ».
Deux conseils que Duroy ne risque pas d’oublier, d’autant que pour « arriver », il est prêt à tout. Même au pire.
« J’ai voulu simplement raconter la vie d’un aventurier pareil à tous ceux que nous coudoyons chaque jour dans Paris, et qu’on rencontre dans toutes les professions existantes. […] J’ai soin de dire qu’il ne sait rien, qu’il est simplement affamé d’argent et privé de conscience. Je montre dès les premières lignes qu’on a devant soi une graine de gredin, qui va pousser dans le terrain où elle tombera. […] Il n’a aucun talent. C’est par les femmes seules qu’il arrive. […] De quoi se plaint-on ? De ce que le vice triomphe à la fin ? Cela n’arrive-t-il jamais et ne pourrait-on citer personne, parmi les financiers puissants, dont les débuts aient été aussi douteux que ceux de Georges Duroy ? »
Lettre de Guy de Maupassant au rédacteur en chef de Gil Blas, 7 juin 1885.
Étudier
Un roman qui répond à toutes les entrées du programme de quatrième
Au titre des objets d’étude : « Dire l’amour » (le sentiment amoureux dans Bel-Ami), « Individu et société : confrontations de valeurs ? » (Georges Duroy porte-t-il les valeurs de la société de son temps ?), « La fiction pour interroger le réel » (Bel-Ami, roman réaliste), et « Informer, s’informer, déformer ? » (la carrière de Duroy dans la presse). Et du questionnement complémentaire : « La ville, lieu de tous les possibles ? » à travers le thème de l’arrivée à Paris d’un jeune ambitieux.
Texte recommandé par l’Éducation nationale.
- 4e
« Bel-Ami », de Guy de Maupassant ou l’itinéraire d’un anti-héros
Séquence réalisée par Laurence Sieuzac, professeure de lettres
10 séances – 31 pages
- Qu’est-ce que le réalisme ?
- L’entrée en scène du personnage.
- La technique du portrait.
- Les procédés de désignation et de caractérisation.
- À nous deux, Paris ! Étude synthétique un thème majeur des romans d’apprentissage du courant réaliste : la conquête de Paris par de jeunes ambitieux (le défi de Rastignac à la fin du Père Goriot, de Balzac, un portrait de Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir, de Stendhal, le départ nostalgique de Frédéric Moreau dans L’Éducation sentimentale, de Flaubert, et les spéculations d’Aristide Saccard dans La Curée, de Zola).
- Le duel.
- Étude de la langue : l’adjectif qualificatif, fonctions et accords (autour de la thématique : Duroy et les femmes).
- La stratégie de séduction de Bel-Ami.
- L’apothéose de Georges Duroy : ascension ou déchéance ?
- Évaluations : dictée, questionnaire de lecture, exercice d’expression écrite.
- « Bel-Ami », de Declan Donnellan et Nick Ormerod
par Anne-Marie Baron, professeure de lettres et critique de cinéma :
- l’originalité de cette adaptation cinématographique du roman de Maupassant, c’est d’avoir conservé le caractère immoral, subversif, scandaleux de l’intrigue, tout en complexifiant le caractère du protagoniste. La principale motivation de Georges Duroy n’est plus la soif de pouvoir, l’ambition sans scrupules, le désir stérile de consommer, mais un appétit de vivre, d’aimer, propre à la jeunesse, qui fait de lui un bel animal en rut, le plus souvent sincère, auquel les femmes ne résistent pas…
- L’intertextualité dans « Bel-Ami »
par Jacques Confais, professeur de lettres :
- la confrontation du texte de Maupassant avec ceux qui l’ont précédé, par exemple, Le Père Goriot, de Balzac, révèle des ressemblances évidentes qui montrent combien Maupassant est, comme il le dit, « saturé d’écriture », mais aussi des différences, qui sont la marque de l’évolution des codes esthétiques, des mentalités, et qui caractérisent ce qu’on peut appeler le « génie » de l’artiste. On peut ainsi inviter les élèves à établir des comparaisons entre l’itinéraire de Rastignac et celui de Duroy à travers le topos de l’entrée dans le monde.
- De l’inscription de Maupassant dans le cercle des romanciers naturalistes
par Thierry Poyet, maître de conférences à l’université Clermont-Auvergne, spécialiste de la littérature du XIXe siècle :
- il y a un peu plus d’un siècle, l’appartenance à une école littéraire pouvait faire l’objet de polémiques. On était naturaliste ou symboliste, partisan du seul réalisme ou carrément du vérisme… L’histoire littéraire n’étant plus guère enseignée, les points de repères font souvent défaut aux élèves. Pourquoi étudier une œuvre ? Parce qu’elle appartient à une école spécifique et incarne un type de littérature, en l’occurrence le naturalisme ? Pour étudier un grand écrivain, Zola ou Maupassant ? Pour les deux raisons à la fois ? C’est bien là la difficulté majeure : Maupassant est-il naturaliste ? Par-delà les hésitations des élèves, c’est le bien-fondé de cette question même qui mérite réflexion. Au final, c’est la notion d’école littéraire qui est à interroger : qu’apporte-t-elle à la connaissance de la littérature ? Comment faut-il l’aborder, selon quels objectifs et en prenant quel(s) exemple(s) ?
Autour du livre
Avis de lecteurs
« Pour découvrir Bel-Ami dès le collège (même si Georges Duroy n’est pas un personnage très exemplaire) ou pour des élèves de seconde (il vaut mieux lire un roman abrégé que ne pas lire du tout !). L’œuvre de Maupassant est tout à fait respectée. »
« Un classique qui n’a pas vieilli. Un incontournable, étonnamment moderne dans ses thèmes et son intrigue. »
« L’ascension d’un intrigant, Georges Duroy, symbolise une époque pas si révolue que cela, où les enjeux de pouvoir sont teintés de cynisme, d’arrivisme. Pour gravir les échelons sociaux, le jeune et timide héros apprendra à marcher sur la tête des autres et à fouler aux pieds les codes moraux. Son atout : un irrésistible talent de séducteur. »
Agenda
La maison par François Tassart, valet de chambre de Maupassant :
« Mon maître me touche le bras :[...]
lire la suite