Raoul de Cambrai - Jean-Pierre Tusseau

Jean-Pierre Tusseau

Classique
Texte abrégé

Un héros maudit et une chanson de geste très réaliste sur les ravages de la guerre

« Jamais récit ne fut aussi insoutenable », prévient le jongleur avant de nous conter la bataille d’Origny. Effectivement, la violence de Raoul de Cambrai peut heurter le lecteur moderne, habitué à une vision idéalisée du Moyen Âge. Cette chanson de geste n’est cependant pas un hymne à la violence. Elle nous rappelle la difficulté d’être un homme de paix sans manquer à l’honneur et aux obligations du monde féodal.

Raoul de Cambrai, impitoyable et tendre, criminel et victime, est l’ancêtre de Robert d’Artois, personnage central des Rois maudits de Maurice Druon. Tous deux mettent l’Artois à feu et à sang afin de reconquérir un fief dont on les a dépossédés et déclenchent une guerre qui se transmet à la génération suivante.

Le jongleur Bertolai était présent sur le champ de bataille, il a entendu le choc des armes et recueilli les cris des vaincus.

Dans un article intitulé « Traduire et abréger les textes du Moyen Âge à l’intention des jeunes lecteurs : contraintes et limites de l’exercice » (Médiévalités enfantines, Presses universitaires de Franche-Comté, 2011, Jean-Pierre Tusseau revient sur ce texte :

« Ce récit très moderne exprime la revendication d’un destin individuel, que Raoul refuse de sacrifier au destin collectif. Si le pouvoir est injuste, la révolte est justifiée. Ce sont certaines valeurs féodales qui engendrent la guerre et qui interdisent la paix chaque fois qu’elle pourrait être possible. Raoul exprime les catastrophes provoquées par un pouvoir politique qui refuse de se remettre en question, par l’application d’un système à la lettre et sans esprit critique. On peut réagir par la révolte individuelle (Raoul), vouée à l’échec, ou passer par la révolte collective (celle des familles de Raoul et Bernier contre Gibouin et le roi) qui peut aboutir à une forme de révolution (renversement du pouvoir ou modification du système). […]

Un autre aspect m’a beaucoup marqué : c’est le nombre de gros plans non pas sur la violence mais sur les effets de la violence et la douleur individuelle. L’horreur de la guerre n’est pas abstraite dans Raoul. Le dénombrement des morts, qu’il y en ait cent ou dix mille, reste du domaine de la statistique, mais le spectacle d’un chevalier blessé qui regarde à terre son poing encore agrippé aux énarmes du bouclier fait froid dans le dos !

J’ai aussi été particulièrement sensible, en lisant ce texte, à la présence dense et attachante de deux figures féminines : présence grave de la mère, dame Alaïs, qui tente de dissuader son fils de se lancer dans une opération qu’elle sait vouée à l’échec, et intervention touchante et pleine de grandeur de la fiancée, Héloïse, qui prend en charge l’ordonnancement des funérailles de Raoul. C’est un exemple rare dans les chansons de geste. »

Texte traduit et abrégé par Jean-Pierre Tusseau

Dossier pédagogique, glossaire et index des personnages.

  • ISBN: 9782211091985
  • Date de première publication : 1991
  • Dans cette édition : 2008
  • Nombre de pages : 182
  • Prix public: 6.50 € - Acheter le livre en librairie

Étudier

Une chanson de geste où domine la fatalité tragique

En cinquième, dans le cadre de l’objet d’étude : « Héros / héroïnes et héroïsmes ».

En classe
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  • 5e

« La Tragique Épopée de Raoul de Cambrai »

Jean-Pierre Tusseau, professeur de lettres et médiéviste

5 séances – 32 pages

Introduction : un peu d’histoire et de littérature.

  1. Les personnages, l’origine du conflit : Raoul, Gerri le Roux, le roi Louis, Gibouin, Bemier ; le temps et les revendications de Raoul.
  2. Le défi de Bernier : l’hérédité des fiefs, l’amitié contre la guerre, l’autre solution, la logique de guerre, les deux ambassades, Raoul personnage démoniaque.
  3. La mort de Raoul : les combats singuliers, des expressions imagées, les horreurs de la guerre.
  4. La vengeance : Gautier successeur de Raoul, Gautier et Bernier : sauver l’honneur et la paix, panique à la Cour, le personnage de Béatrice, les femmes (Alaïs, Marcent, Héloïse, Béatrice), Raoul et Bernier.
  5. Quelques pistes d’étude sur l’ensemble de l’œuvre : solitude des personnages, scènes doubles ou symétriques, indications de temps, narration et dialogue, gestes révélateurs des sentiments ou de l’état d’esprit des personnages…
Pour les abonnés ecoledeslettres.fr
  • La chanson de geste
    par Alban Georges, professeur de lettres :

    1. ce genre, apparu dans les dernières années du xie siècle, peut sembler figé au premier abord, tant y est fondamental le rôle de la tradition. L’article définit tout d’abord la chanson de geste, à travers cette tradition, dans sa forme et son contenu. Mais la beauté d’une œuvre tient aussi à l’usage que font les poètes de ces techniques, et qui constitue l’art épique…

  • De la chanson de geste au western
    par Colette Juilliard-Beaudan, professeure de lettres :

    1. le rapprochement entre une chanson de geste et un western peut, à première vue, paraître iconoclaste ! Et pourtant, en rapprochant ces deux genres, on s’aperçoit qu’ils incarnent une palette de valeurs similaires : le mythe des origines, d’abord, puisqu’il s’agit de fonder dans l’imaginaire et dans l’Histoire un droit au territoire et à l’homogénéité ; une politique du héros ensuite, dans lequel la société peut s’admirer, se donner bonne conscience, reconnaître les valeurs qu’elle a elle-même posées comme bases de son existence, et se rassurer sur son avenir ; un mode de narration enfin, qui dépasse le langage pour reposer essentiellement sur la gestuelle et l’oralité, permettant ainsi à tous de comprendre la quête et de s’y identifier…

  • La violence dans la littérature médiévale
    par Colette Juilliard-Beaudan, professeure de lettres :

    1. ce qui surprend les élèves lorsqu’ils sont amenés à aborder les chansons de geste, c’est l’accumulation d’actes de violence. Le roman courtois a, en effet, hérité des œuvres des xie et xiie siècles une violence qui peut paraître aujourd’hui démesurée. Or cette violence est, au Moyen Âge, un exercice de mesure, dans tous les sens du terme : mesure du courage, mesure du devoir, mesure de la fidélité, de l’honneur, du rang, de l’amour, enfin, et surtout, mesure de soi. Bref, cette violence est codifiée…

  • La naissance du roman au Moyen Âge
    par Claude Lachet, professeur émérite en langue et littérature françaises du Moyen Âge à l’université Jean Moulin-Lyon 3 :

    1. bien que par sa variété formelle (romans épisodiques ou biographiques, romans en vers ou en prose) et thématique (romans arthuriens, romans d’aventures non arthuriens, romans dits « réalistes »), le genre romanesque domine la littérature du xiiie siècle en langue d’oïl (au nord de la Loire), sa naissance est assez récente puisqu’elle date de la seconde moitié du xiie siècle, à une époque où la poésie lyrique et la chanson de geste connaissent les faveurs du public…

Autour du livre

Médias
Adapter les grands textes du Moyen Âge
rencontre avec Jean-Pierre Tusseau
Modernité et actualité de quelques héros du Moyen Âge
Un article de Jean-Pierre Tusseau sur Roland, Guillaume d’Orange, Raoul de Cambrai, Lancelot et Mélusine
Lectures en réseau

Avis de lecteurs

« Haine et guerres d’une génération à une autre. Violences pour la reconquête de l’Artois. Un avant-goût des Rois maudits. »

« J’ai lu l’adaptation de la chanson de Raoul de Cambrai. J’ai trouvé cela très bien adapté et agréable à lire, avec une qualité littéraire. »